Chers paroissiens et amis de la Paroisse Saint-Etienne,
Me voici depuis hier au foyer de Charité de Spa pour animer une retraite intitulée « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 13) – découvrir ce que veut dire « donner sa vie » par l’exemple des bienheureux martyrs d’Algérie.
La période de confinement nous a permis de garder contact grâce au beau travail de toute une équipe et à votre réceptivité. C’est dans cet esprit que je vous pourrez trouver sur le site internet de notre paroisse les différents enseignements de cette retraite :
Mardi 14 juillet : Introduction-le lavement des pieds
Mercredi 15 juillet : L’Eglise
Jeudi 16 juillet : La prière
Vendredi 17 juillet : L’Eucharistie
Samedi 18 juillet : La Croix
Dimanche 19 juillet : Marie
Je confie cette retraite à votre prière et vous assure de la mienne pour chacun de vous,
Alain, votre curé
Mardi 14 juillet : Introduction – le lavement des pieds.
le fichier audio est disponible ici
Introduction à la retraite
Bienvenue à tous pour notre retraite, une retraite que nous allons vivre en communion avec les 19 bienheureux martyrs d’Algérie.
Pourquoi ai-je à cœur de faire appel aux bienheureux martyrs d’Algérie pour vivre avec nous cette retraite ?
Parce que je crois profondément qu’ils vont nous aider à approfondir ce à quoi notre Eglise est appelée.
Au moment de l’indépendance de l’Algérie en 1962, l’Eglise d’Algérie connu un profond bouleversement, une période de dénuement complet. Suite à l’exode tragique des pieds-noirs (C’est ainsi qu’on désigne les Français originaires d’Algérie) pratiquement tous les fidèles sont partis en France. L’intuition du l’archevêque d’Alger Mgr Duval était que l’Eglise devait rester en Algérie et qu’elle devait devenir une Eglise pour les Algériens. Beaucoup des congrégations qui étaient présentes en Algérie se sont vues privées de leur œuvre d’éducation, de santé, et ont donc dû réinventer une manière d’être présent dans la population algérienne.
Toujours au cours de notre retraite, les bienheureux martyrs d’Algérie vont nous aider et nous encourager à prier en nous partageant ce qu’est pour eux la prière et comment ils prient. Ils vont également nous partager leur grand amour de l’Eucharistie et nous éveiller à ce à quoi l’eucharistie nous engage nous aidant ainsi à faire le lien entre l’eucharistie et notre vie de tous les jours. Grâce aux bienheureux martyrs d’Algérie, nous approfondirons également ce que saint Paul appelle le langage de la Croix. Enfin, nous apprendrons également des bienheureux martyrs d’Algérie comment accueillir le don que Jésus nous fait de Marie pour qu’elle soit aussi notre mère.
Cela dit, vivre notre retraite en communion avec les bienheureux martyrs d’Algérie, ce n’est pas seulement parler d’eux et nous inspirer d’eux, même si c’est déjà très bien, mais c’est aussi nous adresser à eux, comme je vous parle en ce moment, dans la foi qu’ils sont vivants auprès de Dieu et que parce qu’ils sont vivants nous pouvons leur demander de prier pour nous afin qu’ils nous aident à faire Eglise, à prier, à redécouvrir l’eucharistie, à parler le langage de la croix et à accueillir Marie chez nous.
Notre retraite ayant pour titre « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime », nous allons approfondir ce que signifie concrètement « donner sa vie » à la lumière de la manière dont les bienheureux martyrs d’Algérie ont donné leurs vies.
Mais pour pouvoir donner, il faut d’abord recevoir. Voilà pourquoi nous commençons notre retraite avec un évangile qui évoque l’importance de recevoir avant de donner.
Lecture de Jn 13, 1-20
Cet évangile nous enseigne que seul celui qui se laisse laver les pieds, peut à son tour, laver les pieds des autres ou plus exactement peut entrer dans la réciprocité de l’amour. Il apprend constamment du Christ cette manière d’aimer. Laver les pieds est un geste que l’on reçoit d’autres et que l’on peut faire à son tour. Il faut l’avoir reçu pour pouvoir entrer dans le don. « Si je ne te lave pas les pieds, tu ne peux avoir part avec moi ! »
Même Jésus l’a reçu ! Rappelons-nous qu’au moment d’entrer dans sa passion, à Béthanie, Jésus reçoit ce geste d’une femme. L’évangile de Jean au chapitre 12, 1-11 nous rapporte en effet que lors d’un repas à Béthanie et où était présent Lazare que Jésus avait ressuscité d’entre les morts, Marie, prenant une livre d’un parfum de nard pur, de grand prix, oignit les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux ; et la maison s’emplit de la senteur du parfum. Jésus ne se dérobe pas à l’amour. Ce geste reçu ouvre la passion et le don de sa vie. Jésus reprend en compte ce geste au cours du dernier repas. Il laisse ce geste en testament à ses apôtres. C’est ainsi que l’eucharistie nous rappelle que seul l’amour reçu donne naissance au véritable don de soi.
Les bienheureux martyrs d’Algérie, avec qui nous allons vivre cette retraite, ont tous reçu la vie pour pouvoir la donner. C’est cette vie reçue qui a rendu possible leurs vies données.
Pour ne donner qu’un exemple, il faut savoir que ce qui a conduit un des 19 bienheureux, Christian de Chergé, à donner sa vie pour Dieu et pour l’Algérie, c’est le don d’une vie qui lui a été offerte et qui l’a protégée de la mort : celle de Mohamed, un musulman.
Dans le sang de cet ami, j’ai su que mon appel à suivre le Christ devrait trouver à se vivre, dans le pays même où m’avait été donné le gage de l’amour le plus grand.
Ecoutons Christian nous raconter lui-même le récit de cette vie donnée pour lui (Fadila Semaï : l’ami parti devant p. 164)
C’est donc pour avoir protégé Christian que Mohammed meurt assassiné. Christian en est profondément bouleversé. Il reçoit le geste de Mohammed comme « le gage de l’amour le plus grand » qui lui ait été donné. Il y reconnaît l’Evangile : « Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13)
Christian reconnait dans le geste de Mohammed le geste même du Christ donnant sa vie pour nous. Mais au-delà de l’émotion suscitée par cette vie donnée pour lui, Christian se laissera transformer par ce geste et il le laissera résonner en lui, jusqu’à la fin de sa vie.
Il y reçoit un appel personnel, une vocation nouvelle. C’est ainsi qu’alors que la vie de Christian était déjà intimement engagée, depuis longtemps, vers une vie consacrée comme prêtre diocésain, voilà que, dans le don que Mohammed a fait de sa vie par amour pour lui, s’éveille sa vocation monastique en terre d’Algérie. Nous pouvons donc dire que Christian reçoit sa vocation de moine chrétien en Algérie par un musulman !
Sa vie entière, Christian reviendra à ce geste d’amour fondateur de sa vocation. Par ce geste, il entrera aussi dans une compréhension nouvelle de l’eucharistie. Il comprend que l’eucharistie est non seulement « pour vous » mais « pour vous et pour la multitude ».
En accueillant le don que Mohammed a fait de sa vie, par amitié, en y reconnaissant le geste même du Christ, Christian à son tour, donnera sa vie.
Tel est le mystère du don, vie reçue et vie donnée, « admirable échange » que l’eucharistie ne cesse de rendre présent à chaque célébration.
Si tout le monde n’a pas expérimenté d’avoir eu la vie sauve par le don de la vie d’un autre, chacun expérimente un amour premier, un amour reçu, là où il n’a pas peiné, là où il n’a rien mérité. Chacun fait l’expérience d’être aimé. Cet amour reçu peut prendre des formes diverses.
A travers cet amour que chacun reçoit, il peut reconnaître l’amour même de Dieu.
La démarche que je nous propose ce soir, au moment où nous entamons cette retraite c’est de faire mémoire de l’amour que nous avons reçu depuis notre naissance jusqu’à ce jour, laisser résonner en nous des gestes d’amour que nous avons reçus et qui ont transformés, qui ont été fondateurs, importants dans notre vie. En relisant et en méditant notre propre histoire, voyons par quels chemins l’appel de Dieu a pris forme pour nous, par quelles personnes et quels événements le Seigneur nous a parlé et nous parle aujourd’hui. Les personnes rencontrées sont en effet souvent des messagers et certains événements des messages. Faisons donc mémoire de notre histoire.
La vie, nous l’avons reçue de Dieu. Ce don de Dieu nous a été transmis par nos parents. La vie divine, nous l’avons aussi reçue de Dieu, elle nous a été donnée par le sacrement du baptême. Cette vie est un don à accueillir chaque jour. Il y a des jours où il est plus difficile de l’accueillir. Il peut arriver aussi que pendant des jours, des mois, voire des années, nous ayons mis de côté l’un ou l’autre dons reçus de Dieu et que suite à telle ou telle circonstance nous les retrouvons, nous les réaccueillons.
Ce soir, au début de cette retraite, je nous invite (je dis « nous » car je vis cette retraite comme vous et avec vous), je nous invite à une prière d’action de grâce pour la vie reçue, pour la vie divine reçue le jour de notre baptême, pour tous les gestes d’amour que nous avons reçus depuis notre naissance. Si chacune et chacun des bienheureux martyrs a pu donner sa vie c’est parce qu’ils l’ont tout d’abord reçue et qu’ils accueillaient ce don jour après jour.
Au cours de cette retraite, stimulés par les bienheureux martyrs d’Algérie, nous allons accueillir ces dons de Dieu que sont l’Eglise, la prière, l’Eucharistie, la Croix et la Vierge Marie par lesquels, Il nous donne sa Vie.
Parmi ces dons de Dieu peut-être en avons-nous mis certains de côté pour diverses raisons, des raisons qui peuvent être bien compréhensible, s’expliquer pour l’une ou l’autre raison.
Cette retraite pourra être l’occasion de les réaccueillir ou de mieux les accueillir. Nous allons voir comment les bienheureux martyrs d’Algérie ont eux-mêmes accueillis ces dons et comment, forts de ces dons reçus, ils ont donné leurs vies jour après jour.
Pour bien entrer dans cette retraite, pour l’accueillir comme un don de Dieu pour chacune et chacun de nous, accueillons ce conseil que donnait un des 19 martyrs d’Algérie, Pierre Claverie, à chaque fois qu’il prêchait une retraite :
Pour moi, une retraite, nous dit-il, ce n’est pas d’abord un temps de crispation qui consisterait à revenir sur soi pour examiner ce qui ne marche pas, puis prendre des résolutions. Cela ne marche jamais. Ce n’est pas la peine d’essayer !
Je crois que le plus important est, au contraire, de se décrisper, de ne pas trop chercher à revenir sur soi, parce que c’est en se décrispant et donc en s’assouplissant intérieurement, que nous avons le plus de chance de laisser Dieu faire.
Personnellement, je vous conseillerais plutôt de décrocher l’espace de quelques jours et de ne plus chercher à faire face, à calculer, à composer, à changer vos comportements. Vous n’avez rien à craindre de personne, pas même de Dieu et si votre cœur vous condamne, Dieu est plus grand que votre cœur. Détendez-vous, dormez, promenez-vous sans penser à rien. C’est alors que quelque chose pourra changer au cœur et pas seulement dans les actes, les gestes, les comportements. Si nous nous disposons à laisser Dieu faire… Il agira à sa manière.
On ne change pas à coup de volonté. Je ne dis pas que la volonté est inutile, on peut changer mais extérieurement. Or, c’est le cœur qui doit changer, ou du moins, cela doit changer au cœur. Je ne dis pas qu’on y arrivera.
Pour moi, c’est un chemin que j’aime prendre, alors je vous invite à le prendre avec moi, au moins pour six jours. Après, vous ferez ce que vous voudrez !
Se décrispez, laisser Dieu faire, parce que nous portons en nous-mêmes des trésors intérieurs, des trésors cachés, et que nous leur donnons peu de chances d’émerger à la surface. Dans nos relations mutuelles, il est difficile d’exprimer ce que nous portons au fond de nous-mêmes. Nous ne nous faisons pas assez confiance ou nous nous connaissons trop. En tout cas, cela reste souvent enfoui, et nous n’avons pas conscience que cela existe.
Ce qui me paraît important de trouver, de laisser émerger est ce que saint Augustin appelle « l’habit intérieur du cœur », et pour cela il nous faut nous décrisper, aller à l’intérieur, et si nous y trouvons ce trésor, nous pouvons comme dit saint Augustin, aimer et faire ce que nous voulons. Il n’y a plus de crispation, cela devient naturel, le surnaturel devient naturel, comme dit Péguy.
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